Livres

Yasmina Khadra

Un mot sur l’auteur de Ce que le jour doit à la nuit. Et je ne vais pas être tendre. S’il y a bien une chose que Yasmina Khadra n’a toujours pas intégré, qu’il ignore complètement, c’est bien la liberté. Des décennies au sein de l’armée algérienne lui ont fait perdre toute notion de liberté. Si je le souligne, c’est parce qu’il ne cesse de répéter partout le contraire. D’ailleurs, le mot liberté est inexistant dans le roman. Sur plus de quatre cents pages, l’unique fois où je l’ai lu, c’est lorsqu’il écrit ceci, page 262 :

« Dans ses lettres, pas une fois il n’avait laissé transparaître les frustrations qui l’avaient amené à renoncer à sa liberté, à sa famille, à son village pour se livrer pieds et poings liés aux règlements militaires et au travail de la dépersonnalisation consentante et de la soumission. »

En tant qu’ex militaire, c’était donc un homme soumis. Mais il l’est toujours. Il a juste l’impression de ne plus l’être parce qu’aujourd’hui il peut l’écrire. S’il est vrai que l’on ne sait pas grand-chose sur le romancier (avec déjà deux pseudos à son actif), une chose est certaine et sur laquelle on ne devrait plus s’interroger : Yasmina Khadra est, ou était, bien un militaire. Le livre est truffé d’allusions ou de métaphores prenant pour référence l’Armée : « Je défis le papier d’emballage avec les précautions d’un artificier » (p. 278) ; « Tu me présentes un profil à débander un tank » (p. 275), et des dizaines d’autres exemples du même acabit. Une plume formée donc à l’École des Cadets, la St-Cyr algérienne. Son “ancienne” vie d‘officier est bien la cause de cet emprisonnement mental qui lui a fait perdre toute autonomie, y compris aujourd’hui puisque sur ce point-là manifestement rien n’a bougé. D’où son silence et sa langue de bois à faire sourire quand il s’agit de la censure et la liberté d’expression en Algérie.

La stupidité n’a aucune limite chez Yasmina Khadra. La dernière fois où il pensait s’exprimer “courageusement”, c’était pour dénoncer la “finance internationale”; autrement dit, dans sa tête : les Juifs. Chose qu’il répète de façon obsessionnelle depuis 2006. La “finance internationale”, cette formule qu’on retrouve dans Les Protocoles des Sages de Sion, devient avec Yasmina Khadra une sorte de nébuleuse terroriste qui finance, à son insu, les films adaptés de ses romans à Los Angeles et à Paris.

« Bouteflika m’a donné une véritable leçon de démocratie. »

En revanche, pas une seule fois je ne l’ai entendu s’indigner contre l’incarcération des journalistes et des intellectuels en Algérie, la saisie des journaux, la censure des livres carrément dans les imprimeries, ou encore contre la énième élection, en 2009, du président Bouteflika, à l’instar des républiques bananières (90,24%). Malgré ses différents pseudos, c’est bien le même homme qui parle. Ce même homme qui déclara en 2009 : « Bouteflika m’a donné une véritable leçon de démocratie. »

Qui lui souffle de pareilles stupidités ? Mais qu’elle honte, c’est effarant. Je connaissais déjà ses crises de mégalomanies durant la période des prix littéraires où, parce que non sélectionné, il s’est mis à accuser les jurys de racisme. Des crises aiguës que je me suis farcies aussi lors d’un débat, monopolisant la parole pour nous parler de sa fortune et de son courage, et hurler qu’il était un bon musulman. Même les soupires des gens dans la salle n’ont pas réussi à l’arrêter, jusqu’à ce que je prenne le micro et lui demande si vraiment « il s’entendait parler. » Mais je ne connaissais pas l’ampleur de son culot.

Ce que le jour doit à la nuit

En plus du pillage, je ne crois pas exagérer en qualifiant son dernier livre de sous littérature. La construction du roman, une confiture. Sur 400 pages, les 70 premières tenaient à peu près la route : on se dit qu’un gosse de dix ans qui voit le champ de patates de son père partir en fumée dans un pays colonisé ne peut être qu’intéressant à découvrir.

Mots forts et expressions oiseuses

Des expressions et des mots forts tels des mantras reviennent sans cesse, comme : abjuration, l’enfer, profanation, blasphème, sortilège, sacrilège. Le mot tailladé, lui, est partout, tout est tailladé : « il avait extirpé son calepin et, les yeux plissés, griffonnait un poème qu’il tailladait de ratures » (p. 213), ou « cette montagne tailladée par les vents », ou son synonyme : « s’était lacéré le visage avec ses ongles » (p. 299), « les traits de son visage tailladé au front » (p. 341).  Ainsi que farniente, destin, désintégrer, terrasser, tétaniser, coupe-gorge (pp 361 & 362) ou encore le mot trancher, très cher au membre du GIA, qu’on peut par moment lire à plusieurs reprises dans un même paragraphe page 264 : « mon inaptitude à trancher » ; « Comment trancher sans me décapiter, sans perdre la tête ? » ; ou carrément dans la même phrase, comme ici : « y trouva une tranche de pain ; ensuite, avec son canif qu’il sortit de la poche arrière de son pantalon, trancha quelques rondelles » (p.226). Les mots éternité et frustration sont peut-être les plus nombreux. Pour comprendre certains passages, il faut souvent relire, mais c’est pour se retrouver face à des phrases creuses, ou vides de sens (p. 219) : « chaque instant que l’on volait au temps nous livrait une part d’éternité » (instant, temps, éternité.) Des mots violents, sanguinolents, à la pelle : « une absence me mutilait » (p. 385) ; « des appels mutilés » (p. 406) ; « je sentis la pièce, les murs se désintégrer » (p.256), « ce fut comme si sa robe s’était désintégrée » (p. 174), « Mon reflet sur la baie vitrée tenait le coup, mais intérieurement, je m’étais désintégré » (p. 276), « Je me sentais glisser quelque part, me désintégrer lentement » (p. 354) ; « qui faillit me terrasser quand la main d’Emilie glissa sous la table » (p. 229), « La mère de Simon, terrassée, pleurait sur une chaise » (p. 322), « la peine insondable qui me terrassait » (p 272), « l’inconnue nous regarda, nous tétanisant tous les trois » (p.209).

Et puis, l’âme. C’est sans aucun doute ce qui m’a le plus impressionné dans ce roman, l’utilisation du mot âme. Je pensais avoir compris quelque chose à l’âme, depuis toutes ces années à pratiquer la psychanalyse. En refermant Ce que le jour doit à la nuit, j’ai tout désappris. Il n’en reste plus rien. Chez Yasmina Khadra, l’âme est présente partout, tout est expliqué ou décrit à travers et à partir de l’âme, les visages, les meubles, la pensée, la nature, le ciel, les animaux. L’âme chez Khadra, c’est un peu l’Aleph de Borges : c’est le lieu où se trouvent, sans se confondre, tous les lieux de l’univers, vus de tous les angles.

« Âme, c’est bien là le mot qui a fait dire le plus de bêtises. » (Jules Renard)

Même les fous n’échappent pas aux niaiseries. Yasmina Khadra fait dire à un fou, qui est censé annoncer la bonne parole dans les souks (p. 282) : « Le malheur est un cul de sac. Il mène droit dans le mur. Si tu veux t’en sortir, rebrousse chemin à reculons. De cette façon, tu croiras que c’est lui qui s’éloigne pendant que tu lui fais face. »

On se dit qu’il est vraiment fou, ce fou. Quel dommage. Car d’habitude, en littérature, les fous ne disent pas que des bêtises. Dans tous les styles, les romanciers ont toujours essayé de les habiller d’un peu de bon sens et de raison, quand cela arrive à faire défaut chez les gens dits « normaux. » Mais les fous chez Khadra, ils n’ont pas de chance car ils ne sont pas fous, mais cons.

Peut-être pas avec la maroquinerie ou la littérature, mais il me semble que pour devenir pharmacien, il faut faire des études “poussées.” Or, on ne sait pas non plus par quel miracle le jeune Jonas devient tout à coup pharmacien, puisque il n’a même pas été à la fac, ne quitte jamais son village, et pourtant il devient pharmacien : « Je repris mon travail en pharmacie. […] Il m’arrivait de perdre patience quand je ne réussissais pas à déchiffrer le gribouillage des médecins sur les ordonnances »; « Le lendemain, je n’eus pas la force de reprendre mon travail à la pharmacie. » Pharmacien par la grâce de Dieu ? Et plus on avance dans le roman, plus il monte en grade : page 332, quelqu’un l’appelle carrément « docteur. » Je vous épargne les répétitions, les passages incompréhensibles dont est truffé le roman, tel ce dialogue où tout finit par s’inverser, de sorte qu’on ne sait plus qui parle à qui et qui dit quoi.

Tout le long du roman, tantôt c’est quelqu’un qui ne cesse de répéter à ses amis : « Ce n’est pas grave » lorsqu’il n’est pas trop considéré, ou peu aimé, tantôt c’est ce même homme qui « n’arrive pas à digérer la tiédeur » de ses amis lorsqu’il est ignoré, au point de ne plus remettre les pieds chez eux. « La rancune serait-elle plus assidue que le bon sens ?… » s’interroge-t-il enfin vers la fin du roman (p. 405.)

De ce père orgueilleux, rancunier, schizophrène, et qui ne pense qu’à « sauver son âme », ce père que personne ne voudrait avoir, qui a raté sa vie de A à Z et ruiné celle de sa famille parce que ne sachant jamais quoi faire ni quelle décision prendre, voici ce qu’en dit le narrateur : « Il savait exactement ce qu’il avait à faire et ce dont il avait besoin. » (p. 15)

La deuxième partie du livre n’est pas mauvaise, mais pire. Le plus troublant, c’est cette différence qu’il y a entre la première et la deuxième moitié du livre. Je n’ai jamais lu de lettres intimes de militaires, mais je trouve pour le moins déconcertant qu’un commandant de l’armée algérienne écrive de tels passages à l’eau de rose. Tout y est différent, le style, la narration, même les niaiseries sont différentes. L’apparition d’Émilie (p. 124, 199 & 201) est d’une platitude et d’un ennui à tel point qu’on aura du mal à ne pas se demander sérieusement si c’est bien la même main qui a écrit tout le roman.

Du Pascal Bruckner à la puissance n

On a beau lire et relire, on peine à comprendre pourquoi le jeune Jonas ne «peut» pas avec la jeune Émilie, alors qu’avec sa mère (p. 180), Mme Cazenave, il ira même jusqu’à la harceler devant la porte de chez elle, fou d’impatience pour la baiser. Depuis le début, Émilie est à ses pieds, mais Jonas reste “impuissant”, “muet” devant les supplications de la jolie jeune femme en larmes. Quand on aime trop, on ne peut pas honorer ? [La main de Lucette avait beau étreindre la mienne, elle ne parvenait pas à m’éveiller à moi-même, p. 111.] Chez Yasmina Khadra, du moins dans ce livre, ce sont toujours les femmes qui décident à la place du personnage principal et qui le “secouent.” Les femmes d’un certain âge bien sûr, même si elles sont plus laides et plus sales que la ravissante Mme Cazenave (voir couverture du livre), comme sa rencontre avec cette femme mi-clocharde mi-prostituée (p. 285) :

« Son haleine avinée m’assommait. J’étais exténué, voyais trouble. C’était une femme sans visage tant elle était maquillée. Ses yeux disparaissaient derrière de grotesques faux cils. Elle avait une grande bouche exagérément rouge et des dents rongées par la nicotine. « T’as des problèmes, mon minet ? Eh bien, plus pour longtemps. J’vais arranger ça. C’est le bon Dieu qui m’envoie à ton secours. Son bras glissa sous le mien. D’une secousse, elle m’arracha au comptoir. “– Viens… T’as rien à fiche par ici…”Elle me séquestra sept jours et sept nuits”. » Pas six, sept, et il n’a même pas été voir les flics.

C’était une lecture ardue, avec ce roman fabriqué comme un ragoût, où l’auteur se permet en plus d’affirmer des choses sur quasiment tout. Y compris, et c’était je crois le plus dur à lire, sur les sentiments humains. À part ça, le texte est rempli de conseils étouffants de niaiserie :

Sur les sentiments :

« Il ne faut pas avoir honte de ses sentiments quand ils sont beaux, même lorsqu’ils nous semblent injustes. » (p. 213)
« En amour, toutes les chances se valent et on n’a pas le droit de ne pas tenter la sienne. » (p. 213)
« Si l’amour rend aveugle, Chris, la jalousie donne la berlue. » (p. 196)

À propos de cette femme (la mère d’Émilie) qu’il a harcelée pour coucher avec elle :
« Simon exagérait. Ce n’était pas de l’amour ; j’avais pour Mme Cazenave une profonde admiration. Mes pensées pour elles étaient saines. »

Ou lorsque le narrateur s’interroge sur les sortilèges et les sacrilèges :
« Quelle mutation était en train de s’opérer en moi ? Pourquoi m’en voulais-je d’être quelqu’un de censé ? [souligné en italique par l’auteur] La correction devrait-elle primer la sincérité ? À quoi servirait l’amour s’il ne supplantait pas les sortilèges et les sacrilèges, s’il devait s’assujettir aux interdits, s’il n’obéissait pas à sa propre fixation, à sa propre démesure ?… » (p. 263) On dirait ces films égyptiens où les acteurs, blessés par un chagrin d’amour, se plaignent de la vie en s’adressant à dieu par la fenêtre du balcon. Tout ça sous-titré en français.

Ou alors son hommage aux femmes, un hommage vertigineux mais qui m’a donné à moi plutôt l’envie de divorcer. Écoutez l’ange Gabriel s’adresser au prophète Mahomet dans la grotte Hira :

« Tu m’arrêteras quand tu veux, mon garçon.
Il s’assit sur le banc et commença par considérer ses doigts les uns après les autres, ensuite, la nuque ployée, il dit d’une voix lointaine : « L’homme n’est que maladresse et méprise, erreur de calcul et fausse manœuvre, témérité inconsidérée et objet d’échec quand il croit avancer vers son destin en disqualifiant la femme… Certes, la femme n’est pas tout, mais tout repose sur elle… Regarde autour de toi, consulte l’Histoire, attarde-toi sur la terre entière et dis-moi ce que sont les hommes sans les femmes, ce que sont leur vœu et leurs prières quand ce ne sont pas elles qu’ils louent… Que l’on soit riche comme Crésus ou aussi pauvre que Job, opprimé ou tyran, aucun horizon ne suffirait à notre visibilité si la femme nous tournait le dos. » (p. 266) C’est magnifique.

Parfois, le narrateur fait partie de la race ferroviaire, de celle qui regarde passer les vaches :
« La vie est un train qui ne s’arrête à aucune gare. Ou on le prend en marche, ou on le regarde passer sur le quai, et il n’est pire tragédie qu’une gare fantôme. » (p. 385)

« Ce que le jour doit à la nuit est mon meilleur livre », a déclaré Yasmina Khadra.

Quelques perles :

« Le ciel broyait du noir à ne savoir comment s’en sortir ». (p. 66)
« Ici, le temps tournait en rond. Sans suite dans les idées ». (p. 85)
« Longtemps, j’avais cru que c’étaient ses yeux qui remplissaient mon âme d’une tendre quiétude. Aujourd’hui, je me rends compte que ce n’était pas ses yeux, mais son regard ». (p. 116)
« Les yeux peuvent mentir, pas le regard ». (p. 240)
« Comme bonhomme, il n’est pas clair, mais son esprit l’est ». (p. 192)
« L’hiver 1960 fut si rude que nos prières gelaient » (p. 353)
« Ils roulaient le « r » comme on roule le couscous ». (p. 380)
« J’ai voulu, plus que tout au monde, extraire un à un tous mes souvenirs avec un arrache-clou comme on se défaisait jadis d’une molaire cariée ». (p. 400)
« Certes, la femme n’est pas tout, mais tout repose sur elle ». (p.266)

Le commentaire désespéré d’une internaute (Farida Oue) :
[Yasmina Khadra écrit : « Certes, la femme n’est pas tout, mais tout repose sur elle. »
Dans l’esprit de ce bédouin, comme dans l’esprit d’une majorité d’Algériens, il faut comprendre, chers lecteurs, que quand il dit que « la femme n’est pas tout », ça veut dire qu’elle n’est rien.
Et quand il continue : “mais tout repose sur elle”, il faut entendre par là qu’elle doit se farcir le ménage, la vaisselle, le linge, la bouffe, les enfants, les courses, quoi. Tout repose sur elle qu’il a dit. Ça promet.]
« Cependant, elle avait beau s’intéresser à autre chose, fixer le parterre ou un bout du ciel, je décelais nettement la braise qui couvait au fond de ses orbites, semblable aux laves océanes que ni les milliards de tonne d’eau ni les ténèbres abyssales n’étoufferaient ». (p. 273)
« L’hiver se retira un soir sur la pointe des pieds ». (p. 191)
« L’automne se débina sur la pointe des pieds ». (p. 276)
« Le printemps gagnait du terrain ». (p. 219)
« Je défis le papier d’emballage avec les précautions d’un artificier ». (p.278)
« Un éclair illumina les ténèbres. La pluie tombait doucement. Les carreaux étaient en larmes. Je n’avais pas l’habitude de voir pleurer les vitres ». (p.280)
« Ma chambre eut du mal à me digérer ». (p. 280)
« J’avais un compte à régler avec moi-même. On ne fuit jamais soi-même. (p. 282)
En tout cas, il a l’air apaisé de quelqu’un qui vient de régler ses comptes avec lui-même ». (p. 397)
« Son onde de choc se répercuta à travers mon corps comme une détonation souterraine à travers les douves d’une forteresse ». (p. 305)
« La nuit me trouva assis sur le perron de la pharmacie ». (p. 310)
« Je glissais vers quelque chose que j’étais incapable de définir et qui m’étirait dans tous les sens en déformant mon discernement, mes fibres, mes repères, mes pensées, pareil à un lycanthrope abusant des ténèbres pour naître à sa monstruosité ». (p. 314)
« Ce n’était sûrement pas Lucette ; elle aurait situé mon sourire, décelé un rivage évocateur dans le bleu de mes yeux. (p. 317)
« Adieu Lucette ! (p. 116)
« Une larme profita d’un moment d’inattention et parvint à se faufiler à travers mes cils et à rouler sur ma joue. Je n’eus pas le courage ni la force de l’intercepter ». (p. 330)
« Chaque soir, dans mon lit, je redoutais de me réveiller au cœur des absences ». (p. 316)
« Je m’essuyai la figure et quittai la librairie avec le sentiment qu’une brume émanant de nulle part était en train de supplanter la lumière finissante du jour ». (p. 330)
« Et ces yeux, mon Dieu ! qui me dévisagent, qui me devinent. Comment a-t-il pu m’identifier parmi tous ces gens alors que nous ne nous sommes jamais rencontrés ? » (p. 386)
« Pauvre fou, ne sais-tu pas que, d’une manière ou d’une autre, tout rescapé d’une guerre est un traitre ? » (p. 393) (C’était la devise de Boumediene, 1932-1978, premier fossoyeur de l’Algérie.)
« André est bourré comme une pipe, mais il tient le coup. (p. 399)
« Chaque instant que l’on volait au temps nous livrait une part d’éternité ». p. 219)
« À quatre-vingts ans, notre avenir est derrière. Devant, il n’y a que le passé ». (p. 403)
« Quand j’ai entendu sa voix, j’ai cru que c’était Jean-Christophe qui rappliquait, et ça m’a insufflé une bonne dose de je ne sais quoi qui m’a revigoré ; cette même force m’a abandonné illico quand je me suis aperçu que ce n’était pas lui ». (p. 403)
« Il est des jours que les saisons renient. La fatalité s’en préserve, et les démons aussi ». (p. 66)
« Et l’éternité avait rompu comme s’éclipsent les lampes quand on appuie sur le commutateur, si vite que j’en fus pris de court ». (p. 89)
« J’étais persuadé que la misère ne relevait pas de la fatalité, qu’elle s’inspirait exclusivement des mentalités. Tout se façonne dans la tête ». (p. 90)
« La guerre éclata en Europe. Tel un abcès ». (p. 108)
« Le soleil oranais se surpassait ». (p. 111)
« Parce qu’il ne supportait pas d’être l’objet d’une telle infamie, il en perdit plusieurs fois la raison ». (p. 114)
« Les vergers reprirent leur défilé. Les orangeraies et les vignes se donnaient du coude pour conquérir les collines et les plaines ». (p. 118)
« A un âge ou l’éveil est aussi douloureux que les premiers saignements chez une fille, ça vous stigmatise au fer rouge ». (p. 129)
« J’avais pour Mme Cazenave une profonde admiration. Mes pensées pour elle étaient saines ». (p. 169)
« Mme Cazenave avait toujours l’allure aérienne, mais mon cœur ne bondit pas dans ma poitrine. Était-ce la pluie qui tempérait les passions ou bien la grisaille qui démythifiait les souvenirs ? Je n’avais pas cherché à le savoir ». (p. 194)
« Mon cœur cognait comme un forgeron fou sur son enclume ». (p. 249)
« […] semblait jurer de ne plus remettre les pieds dans un bled aussi enclavé culturellement qu’un enclos à bestiaux ». (p. 206)
« La main de Lucette avait beau étreindre la mienne, elle ne parvenait pas à m’éveiller à moi-même ». (p. 111)
« Pourquoi moi ? hurlais-je en mon for intérieur ». (p. 240)

Karim Sarroub

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