Récits voyageurs

Tlemcen et ses environs

Qu’est-ce donc qui, dans cette ancienne capitale d’un royaume, impressionne si fortement le visiteur ? Sont-ce les vieux murs jaunis de Mansoura, avec leurs teintes d’ocre, sous les derniers rayons du soleil couchant ? Sont-ce les hauts minarets et ces belles mosquées, aux mihrabs si délicatement décorés ? Est-ce cette campagne de verdure et de fleurs où l’on jouit de la fraîcheur et d’une douce quiétude ? Est-ce le vaste horizon et le coup d’œil grandiose sur les larges plaines ondulées qui s’étalent au pied des murailles de la ville jusqu’à la mer et au Maroc voisin ? Est-ce le cachet si original et l’aspect animé des vieux quartiers indigènes et des fondouqs de l’ancienne Qisarya ? Est-ce l’affabilité et la physionomie sympathique des Tlemcéniens ? Est-ce enfin le haoûfi que chantent dans les jardins, au printemps et en été, les jeunes mauresques de Tlemcen, mêlant les notes pittoresques de leur chanson aux trilles harmonieux des rossignols ? C’est tout cela qui charme et laisse au visiteur un souvenir heureux et durable.

C’est que, si Tlemcen, au milieu d’un site ravissant, a gardé dans ses ruines et ses anciens temples, les traces muettes et imposantes d’un grand passé, elle peut offrir encore au visiteur moderne le spectacle rare d’une société indigène vivant sur un vieux fonds d’usages, de mœurs et de croyances des âges disparus ; c’est qu’on retrouve ici l’image encore fidèle de ce que les chroniques arabes du moyen âge nous apprennent de la société tlemcénienne d’alors.

Le voyageur qui a vu les ports de la côte algérienne avec leur population mélangée, qui a gravi les pentes de la Kabylie, qui a parcouru les campagnes du Tell et les hautes steppes d’alfa ; qui a visité les oasis du Sud, qui a rencontré sur son passage des populations indigènes, sédentaires ou semi-nomades dans le Tell, et s’est intéressé à la vie des grands nomades et des ksouriens des steppes et des déserts algériens, trouvera à Tlemcen non seulement une vieille ville indigène, nouvelle d’aspect pour lui, mais encore une population musulmane de citadins, commerçants, industriels et agriculteurs, avec leurs anciennes habitudes à peine émoussés par le contact de l’Européen.

Alfred Bel, Tlemcen et ses environs, 1910

Précédemment publié en janvier 2007

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